Tu sais jamais quand tu ponds ton dernier oeuf

Après plusieurs mois de travail à explorer l'écriture à travers les branches du numérique, les Amplificateurs finalisent leur dernière ponte. Ce quatrième thème, Sale langue, a sans doute été celui qui s'est tapé le plus facilement. L'expérience d'écrire sous la loupe instantanée du lecteur était plutôt déstabilisante, quoique très stimulante. Après coup, chaque fois que j'écris avec la bonne vieille méthode de l'écrivain solitaire calfeutré dans son document très personnel, je me sens étrangement seule. Le lecteur ne fait plus partie de l'équation et je m'étais habituée à cette omniprésence. Pour vous donner une idée, c'est comme si vous écriviez des souhaits de fête dans une carte et que la personne vous lit à mesure... Pas facile de réfléchir dans ces conditions... C'est pourtant ce qu'on a fait au cours des derniers mois et nous sommes plutôt fiers du résultat. Nous publierons prochainement quelques extraits de notre travail, qui n'est pas final, puisqu'il s'agit du premier jet.

Merci à vous tous de nous avoir suivis dans cette belle aventure! Et comme on ne sait jamais quand on pond notre dernier œuf, nous aurons peut-être d'autres belles surprises pour vous dans le futur!

-Anick

Trois premiers textes collectifs

Après quelques semaines de silence, les Amplificateurs s’apprêtent à reprendre de la touche! Jusqu’au 6 février, nous peaufinerons les trois premiers textes collectifs que vous pouvez lire ici.

Ce qui nous enchaîne

On avance à tâtons, mais on avance

Les fantasmes


L’amour, c’est beau. Même quand c’est fini.

Être fidèle au père de mes enfants est un plaisir immense. C’est clair pour moi que c’est lui que je choisis, que c’est nous que je veux par-dessus tout, comme une guirlande de lumières en constelletions au creux du ventre, la foi qui arrête enfin de clignoter. Et l'absolu de cette clarté n'est probablement pas sans rapport avec ma conception de l'amour qui me permet de m'aimer davantage et mieux. 

En 2016, il est fréquent de rencontrer une femme tout à fait respectable et équilibrée qui a eu plusieurs relations. Ce « genre de fille » n’a pas à dévoiler le nombre de gars qu’elle a aimé parce que ce n’est pas vraiment pertinent (peut-être aussi parce que le décompte serait plutôt long et laborieux, mais ça, c'est une autre histoire…). 

Je suis ce genre de fille et je revendique le droit d’aimer mes « ex ». 

Pendant longtemps, je n’ai pas compris ce qui m’arrivait, je ne sais même pas si je réalisais combien c’était difficile et triste pour moi, le fait de devoir me séparer de tous ces hommes. Depuis peu, j’assume que ça me déchire, l'idée de ne pas pouvoir garder dans mon coeur ceux que j’ai aimé (différemment à chaque fois, parce qu’on est jamais les mêmes chaque fois). Je me pardonne aussi de n'avoir pas su mieux reconnaitre et départager amour et amitié.

Je me suis confiée, j’ai exposé mes rêves et mes peurs, partagé des blessures, des splendeurs, maintes idées pour changer le monde. J’ai visité différents appartements, des maisons glauques ou cossues, quelques hôtels, j’ai senti une panoplie de textures de draps, de peaux, j’ai ri et pleuré dans un large éventail d’odeurs. Bien sûr, ça fait trembler d’y penser, d’autant plus s’il faut refermer mes pores pour garder en moi le souvenir de ces corps vibrants, aimants. Et voilà où je veux en venir. 

Je suis une femme qui tremble. Terriblement.

J’ai besoin d’une quantité phénoménale d’amour pour tenir debout. Je ne parle pas seulement de l’amour que je reçois. J’en reçois plein, c’est fou. Mais je parle aussi et surtout de l’amour offert. J’ai besoin que ce qui a été donné me nourrisse encore et encore. J’ai tant besoin que mes pores restent ouverts, tant besoin que l’amour soit beau. Encore et encore. Même quand c’est fini.

Quand j’écris, c’est toute ma vie qui est là. J'y mets tout l'amour que j'ai dans le corps. Flammes et flirts passés y compris. Et c'est là que je comprends que je ne m'aime bien qu'en donnant.

-Mylène

Les Amplificateurs en direct de La Fabrique


Aujourd'hui, Les Amplificateurs travailleront en direct de La Fabrique à Matane, de 19h à 20h ! Venez les voir sur le web... ou en vrai de vrai !

En direct de Matane : Anick et Mylène
En direct de Greenfield Park : Pierre 

Pour voir travailler les Amplis sur Les fantasmes, c'est par ici !

http://www.publafabrique.com/drupal/

Les Amplificateurs en direct du Sang royal


Aujourd'hui, Les Amplificateurs travailleront en direct du Sang royal - Bar à vin & Caviste à Rimouski, de 17h à 19h ! Venez les voir sur le web... ou en vrai de vrai !


En direct de Rimouski : Anick et Mylène
En direct de Greenfield Park : Pierre 


Pour voir travailler les Amplis sur Les fantasmes, c'est par ici


comme les feuilles sous la neige


Hier, je ne savais pas encore. C’était une journée difficile. Une journée subie, à peine vécue. Une fatigue inexplicable me maintenait dans un état second. Je n’avais pourtant pas bu d’alcool, je n’avais pas étudié toute la nuit, j’avais mangé équilibré, pris mes Omega 3, avalé ma vitamine D, fait ma séance de luminothérapie, tout ça. Malgré une première sieste entre 9 h et 11 h, puis une deuxième entre 13 h et 15 h 30, dès 21 h, je tombais, épuisée, presque comateuse. On aurait dit que quelque chose en moi s’était engourdi. Était-ce mon âme qui vibrait autrement plus fort que d’habitude? S’agissait-il d’un travail éblouissant et obscur qui se produisait dans mon inconscient? quelque chose comme une incubation? Peut-être. Pour sûr, ça fourmillait. Il ne me restait qu’à laisser faire, laisser aller, dormir.

Quand on m’a appris ce matin que tu agonisais à l’hôpital, j’ai pensé que j’étais passée de l’autre côté, un peu, avec toi, grand-maman. J’avais repris des forces parce qu’après ceux qui partent, ceux qui restent doivent redoubler de courage. Faudra passer l’hiver, après tout.

Je ne t’avais jamais entendue dormir, grand-maman. Ton souffle est calme et ronronnant, c’est tellement doux. Quand mes fils dorment, c’est pareil, la même conversation sans mots. L’inspiration et l’expiration, quand on prend le temps de les entendre, en disent long. Ta respiration porte la voix de l’enfant que tu as été, puis de la femme et de la mère aimante que tu es devenue. Si tu voyais ça, grand-maman, dehors il neige et les flocons montent autant qu’ils tombent. C’est cliché de dire « les flocons dansent », mais il semble bien que c’est ce qu’ils font, les flocons. Ils dansent.

Quand j’ai appris à ton arrière-petit-fils Léopold que tu étais en train de mourir, il a baissé les épaules et a regardé loin devant, au fond de lui-même, puis il m’a fixée d’un regard de cent ans. Un regard de cent ans, sur le visage d’un petit gars de quatre ans, c’est grand, c’est beau. Après, il a demandé si lui et son frère allaient pouvoir manger tous les bonbons que tu gardais pour tes petits enfants dans ta chambre. 
Et on a ri.

Il paraît que tu as ri, hier, en revoyant chacun de tes enfants. Il parait que tu étais prête, que tu avais hâte, même. Tes enfants t’ont promis de demeurer unis même si tu ne serviras plus de carrefour pour les rencontres.

Grand-maman. J’ai envie de te dire que je suis heureuse. Oui. Je suis contente pour toi que tu sois en train de partir, vraiment. Novembre est un beau mois pour mourir. Le paysage appelle l’hibernation. Tu t’enroules comme les feuilles sous la neige, lovée contre ton temps passé, vers ton éternité, dans la douceur flottante et profonde de ton sommeil. Grand-maman. J’ai envie de te dire que ce n’est pas la mort qui t’emporte. C’est l’amour qui t’enveloppe. Et j'ai envie de te dire merci, oh! oui. Grâce à toi, aujourd'hui, j'ai redécouvert à nouveau comme l'écriture m'emporte loin d'ici. 

Bon voyage, douce grand-maman. Merci pour tout.



- Mylène



Écriture publique!

Les Amplificateurs seront au Sang Royal à Rimouski le mardi 29 novembre pour un événement public d'écriture, entre 17 h et 19 h. Le lendemain, c'est à la Fabrique, à Matane, qu'ils répéteront l'expérience entre 19 h et 21 h. La population est invitée à venir assister, en personne et en direct sur leur téléphone intelligent, à de l'écriture drette dans ta face! Le nouveau thème pour ces deux séances: les fantasmes.

La littérature numérique québécoise s'amplifie!

Anick, Mylène et Pierre vous expliquent de vive voix le projet sur lequel ils travaillent depuis septembre.

Quand tout le monde est couché


Enfin le calme. Tout le monde est couché. Sauf moi. Je commande à mon cerveau de rapidement se mettre en mode création. Les idées se bousculent. Ma machine à trier le bon du mauvais se met à tourner et je tape ainsi quelques lignes. Parfois, je cherche un mot sorti de nulle part parce qu’il faut bien partir de quelque chose. Une idée c’est bon, mais il faut des mots pour l’énoncer, et puis ça prend la syntaxe pour bien la rendre. Quand tout le monde est couché, il me semble que c’est plus facile. J’oublie les à-côtés, toutes ces petites choses qui me font perdre ma concentration. À force d’écrire, je me suis mise à croire que c’est cette capacité que j’ai de soutenir mon attention de façon si féroce qui me permet de pondre quelques strophes pas trop mauvaises. Pourtant, cette concentration porte sur une page blanche, un plan souvent bien simple et remodelé constamment, ou encore sur ce que je n’ai pas encore tapé à mon clavier. Le curseur flashe. Il m’attend. En fait, il ne peut attendre personne d’autre parce que tout le monde dort. J’ai peur de décevoir ce foutu curseur, alors mon cerveau se remet à me régurgiter des pistes d’écriture que je réorganise. Je concocte des aventures. Je me fais amie avec mes personnages. Ou alors je les déteste. Et tout ça, c’est de moi. Quand je me relis, des années plus tard, et que je n’ai aucun souvenir de ce que j’ai bien pu écrire, ça me surprend toujours comme je trouve ça meilleur que lorsque je travaillais dessus. Ça ne peut vouloir dire qu’une chose: c’est que le travail d’écriture aussi, il faut que ça dorme!


-Anick